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  • Photo du rédacteurCecilia Dip

Prévoir des événements catastrophiques par assimilation des données géoscientifiques

L'assimilation des données est un processus hautement sophistiqué permettant d'incorporer des données observées dans un modèle de référence afin de faire des prédictions. Par exemple, vous utilisez déjà certainement les prédictions météorologiques issues d'un tel système d’assimilation de données pour prendre des décisions sur votre emploi du temps ou pour planifier vos prochaines vacances. De façon analogue en géosciences, être capable de simuler l’évolution des sols ou du roc à l'aide d'un modèle est un atout considérable avec des applications directes comme la prédiction de comportements de réservoirs, la mise à jour de propriétés hydrauliques ou la distribution des propriétés géomécaniques.


Assimilation de données géoscientifiques
Schéma d'assimilation de données géoscientifiques

modèle dynamique en géosciences
Exemple d'un modèle dynamique simplifié

Mais qu’est-ce exactement qu’un modèle? Un modèle est tout simplement une représentation de la réalité par un ensemble de paramètres qui décrivent un phénomène d’intérêt. De plus, un modèle est dit dynamique lorsque les paramètres de ce dernier évoluent avec le temps. Par exemple, un aquifère pourrait être représenté par un simple modèle initial à 2 couches ayant 2 valeurs de résistivité distinctes (schéma t0). L'injection d'eau en surface rendrait subséquemment ce modèle dynamique, alors que la résistivité du milieu évoluerait dans le temps avec l'infiltration de l'eau dans le sol comme illustré sur les images t1 à t4.






Un autre exemple concret, mais plus complexe d’un milieu dynamique est celui d’une mine qui évolue au fur et à mesure que son activité minière progresse. L’extraction de minéraux implique la construction de galeries, ce qui génère des vides au sein du roc et modifie les propriétés et les contraintes internes de la masse rocheuse. Le retour à l’équilibre du substratum rocheux est souvent associé à un phénomène appelé « rockburst », lequel correspond à une rupture spontanée et violente de la roche pouvant mener à des répercussions potentiellement graves, comme l’arrêt des opérations, le bris de l’équipement minier ou des risques importants pour la sécurité des mineurs. En conséquence, il devient extrêmement important de surveiller l’activité minière et la meilleure façon de le faire est par surveillance microsismique. Bien que des techniques de mitigation reliées à l’ingénierie et à la mécanique des roches sont généralement mises en place dans les mines, ces techniques ne sont pas parfaites et des imprévus peuvent malgré tout survenir.


Dans le cadre des études par microsismique, les ondes sismiques générées par l’activité normale dans la mine et les activités de dynamitage requises pour le développement de galeries sont enregistrées par les systèmes de surveillance microsismique mis en place.


microsismique
Principe des études microsismiques

À l’aide d’un modèle initial de vitesse du milieu, il est possible d’identifier les emplacements où les différents événements sismiques ont été mesurés. Au fur et à mesure que l’exploitation minière progresse, les vitesses sismiques varient et le modèle initial de vitesse devient inexact. Les temps de parcours microsismiques mesurés et assimilés lors des travaux d’exploitation permettent alors de mettre à jour progressivement le modèle de vitesse de la zone d’intérêt.


L’analyse des modifications apportées au modèle initial de vitesse renferme un potentiel très intéressant pour prédire les comportements futurs de la masse rocheuse. De manière concrète, cette méthode de suivi consiste à identifier les emplacements où se produisent les changements de vitesse afin de localiser les hypocentres et de mettre en évidence les secteurs où la masse rocheuse est sous contrainte et où un évènement potentiellement dangereux a plus de chance de survenir. Cet outil d’analyse peut ainsi donner aux exploitants miniers un outil additionnel pour identifier des zones qui pourraient renfermer des risques pour les travailleurs et l’équipement, et ce, avant qu’une catastrophe ne survienne.


Une démonstration de la surveillance par microsismique est présentée dans l’article de Dip et al. (2021) du journal Near Surface Geophysics. Dans cet article, il est proposé d’utiliser le Filtre de Kalman d’Ensemble pour mettre à jour un modèle de vitesses sismiques 3D en mesurant l’effet du changement des contraintes de la masse rocheuse, lequel se traduit par les changements de vitesse des ondes sismiques.

Évolution du modèle de vitesses
Évolution du modèle de vitesse par assimilation de données microsismique avant, pendant et après le rockburst

Les résultats de cet article sont illustrés sur l’animation ci-dessus. Sur cette animation, l’évolution des vitesses sismiques obtenue suite à la mise à jour du modèle dynamique est illustrée par l’échelle de couleur passant du bleu au rouge. Ces vitesses sismiques représentent des zones où les contraintes internes de la masse rocheuse étaient les plus élevées. L’emplacement où le « rockburst » est réellement survenu est quant à lui représenté par le cercle mauve, lequel coïncide de manière assez juste à la zone renfermant la plus grande concentration de changement de vitesse dans la masse rocheuse. L’évènement a lieu au temps t6 de l’animation, moment où la mise à jour du modèle a prévu la plus forte augmentation de vitesse, suivi d’un soulagement de contraintes. Dans une situation réelle pour ce cas d'étude, si le modèle prédictif avait été en place au moment de l'événement catastrophique, ce dernier aurait pu être signalé quatre heures avant son occurence.

 


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